), il en joue avec un dédain bienveillant contre la « raison », les « sens », les « honneurs », le « bien-être », la « science », il se sent au-dessus de tout cela, comme si c’étaient des forces pernicieuses et séductrices, au-dessus desquelles « l’esprit » plane en une pure réclusion : comme si l’humilité, la chasteté, la pauvreté, en un mot, la sainteté, n’avaient pas fait jusqu’à présent beaucoup plus de mal à la vie que n’importe quelles choses épouvantables, que n’importe quels vices… Le pur esprit est le pur mensonge. L’indignation est la prérogative du Tchândâla : le pessimisme de même. Un dernier point de vue : le type, en tant que type de décadence, a pu être, en effet, singulièrement multiple et contradictoire : Une telle possibilité n’est pas à exclure entièrement. s’être situé sur le terrain épistémologique, puis éthique, Nietzsche évoque C’est son plus inférieur instinct de conservation qui lui interdit de mettre la réalité en honneur, ou de lui donner la parole en un point quelconque. Nietzsche, une réalité qui n’est faite que de « perspectives » multiples. une cause peut gagner en valeur si quelqu’un lui sacrifie sa vie. Copy link. — Qu'on lise un agitateur chrétien quelconque, saint Augustin par exemple, pour comprendre, pour sentir quels êtres malpropres avaient désormais la haute main. s’articule finalement le fond de la critique nietzschéenne des martyrs : Ils régnent, non parce qu’ils veulent, mais puisqu’ils sont ; ils n’ont point la liberté d’être les seconds. On a besoin du Dieu méchant autant que du Dieu bon. A tous les événements naturels de la vie, la naissance, le mariage, la maladie, la mort, pour ne pas parler du sacrifice (le repas), le parasite apparaît pour les dénaturer, pour les « sanctifier » dans sa langue… Car il faut comprendre ceci : toute coutume naturelle, toute institution naturelle, (l’Etat, la justice, le mariage, les soins à donner aux pauvres et aux malades), toute exigence inspirée par l’instinct de vie, en un mot, tout ce qui a sa valeur en soi, est déprécié par principe, rendu contraire à sa valeur, pour qu’après coup une sanction devienne nécessaire ; il est besoin d’une puissance qui confère une valeur, qui partout nie la nature et qui par cela seulement crée une valeur… Le prêtre déprécie, profane la nature : c’est à ce seul prix qu’il existe. Et pourtant le christianisme doit sa victoire à cette pitoyable flatterie de la vanité personnelle, — par là il a attiré à lui tout ce qui est manqué, bassement révolté, tous ceux qui n’ont pas eu leur part, le rebut et l’écume de l’humanité. Le « salut de l’âme », autrement dit : « le monde tourne autour de moi… » Le poison de la doctrine « des droits égaux pour tous » — ce poison le christianisme l’a semé par principe ; le christianisme a détruit notre bonheur sur la terre… Accorder l’immortalité à Pierre et à Paul fut jusqu’à présent l’attentat le plus énorme, le plus méchant contre l’humanité noble. La caste supérieure — c’est celle du plus petit nombre — étant la plus parfaite, a aussi le droit du plus petit nombre : il faut donc qu’elle représente le bonheur, la beauté, la bonté sur la terre. — Mais ne point vouloir voir ce qu’on voit, ne point vouloir voir comme on voit, ceci est condition première pour tous ceux qui sont « parti » dans n’importe quel sens. Ce livre appartient au plus petit nombre. La force illusoire est à sa plus grande hauteur, de même la force adoucissante, la force glorifiante. Le Dieu ancien, tout à fait « esprit », tout à fait grand prêtre, perfection tout entière, se promène dans son jardin : cependant il s’ennuie. Mais : Quel type d’homme doit-on élever, doit-on vouloir, quel type aura la plus grande valeur, sera le plus digne de vivre, le plus certain d’un avenir ? Qu’est-ce qui s’ensuit ? — Jésus n’avait-il pas supprime lui-même l’idée de « péché » ? Prendre au sérieux une querelle de juifs, c’est ce à quoi il ne peut pas se décider. Soit on est un tchandala, soit on ne l’est pas. Je ne pose pas ici ce problème : Qu’est-ce qui doit remplacer l’humanité dans l’échelle des êtres (— l’homme est une fin —) ? Dans ma Généalogie de la morale[6] j’ai présenté pour la première fois psychologiquement, l’idée de contraste entre une morale noble et une morale de ressentiment, l’une née d’un non à l’égard de l’autre et c’est la morale judéo-chrétienne tout entière. Lorsqu’au moyen de la récompense et de la punition, on a chassé du monde la causalité naturelle, on a besoin d’une causalité contre nature et maintenant succède tout le reste de ce qui est contraire à la nature. Le bouddhisme est une religion pour la fin et la lassitude de la civilisation ; le christianisme ne trouve pas encore cette civilisation, il la crée dans certaines circonstances. La preuve du « plaisir » est une preuve de « plaisir », — rien de plus ; comment saurait-on vraiment que des jugements vrais causent un plus grand plaisir que des jugements faux, et que, conformément à une harmonie préétablie, ils entraîneraient nécessairement derrière eux des sensations de plaisir ? Réponse : Que l’homme sorte du paradis. En saint Paul s’incorpore un type de contraste au « joyeux messager », le génie dans la haine, dans la vision de la haine, dans l’implacable logique de la haine. Notre fatalité — c’était la plénitude, la tension, la surrection des forces. Les prêtres qui dans ces sortes de choses sont beaucoup plus fins, ont très bien compris la contradiction qui se trouve dans l’idée de conviction, c’est-à-dire dans une habitude de mentir par principe, dans un but précis. Le « pur esprit » est une bêtise pure : si nous faisons abstraction du système nerveux, de l’ « enveloppe terrestre », nous nous trompons dans notre calcul — rien de plus !…, Dans le christianisme, ni la morale, ni la religion ne touche à un point quelconque de la réalité. Ce saint anarchiste qui appelait le plus bas peuple, les réprouvés et les pécheurs, les Tchândâla du judaïsme, à la résistance contre l’ordre établi, avec un langage qui, maintenant encore, mènerait en Sibérie, si l’on peut en croire les Évangiles, cet anarchiste était un criminel politique, autant du moins qu’un criminel politique était possible dans une communauté absurdement impolitique. Si peu que, quand des sensations de plaisir se mêlent de répondre à la question « qu’est-ce qui est vrai ? Javeh est le dieu d’Israël, donc le dieu de la justice, c’est la logique de tout peuple qui possède le pouvoir et qui en a la conscience tranquille. (A cause de cette faculté de faire languir le malheureux, l’espoir était considéré par les Grecs comme le mal des maux, comme le plus malin de tous qui resta au fond de la boîte de Pandore.) Ceci est vrai, encore une fois, et dans un sens plus haut, du Dieu de ce symboliste type, du « règne de Dieu », du « royaume des cieux », du « fils de Dieu.